Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/199

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dans sa chambre, devant laquelle il fallut bien changer de conversation, quoique ces deux amants ne changeassent point de pensée. Leur distraction et leur embarras firent juger à la comtesse de Maure que leurs affaires étoient plus avancées qu’elles n’étoient, et cela fut cause

    tache, de la générosité avec une éloquence extraordinaire, une âme élevée, des sentiments nobles, beaucoup de lumière et de pénétration. »

    M. V. Cousin, l’historien de madame de Sablé, l’a représentée en son logis de la place Royale, à côté de son amie, toutes deux en leur chambre isolée, cloîtrées, couchées, craintives d’un courant d’air, effarouchées d’un bruit, les volets fermés, la lampe allumée à midi au mois de mai, restant trois mois sans se voir et s’écrivant dix fois par jour. Jamais épicuriennes n’ont raffiné plus voluptueusement les délicatesses de l’amour de la vie et de la crainte de la douleur. (Tallem., t. 3, p. 137.)

    Voici un extrait de La Princesse de Paphlagonie : « Il n’y avoit point d’heure où la princesse Parthénie (madame de Sablé) et la reine de Misnie (madame de Maure) ne conférassent des moyens de s’empescher de mourir et de l’art de se rendre immortelles. »

    Ce sont là les précieuses, non plus de l’amour et du beau langage, mais de la philosophie préservatrice et conservatrice. Elles inventent des pâtes reconfortantes, des sirops veloutés, des élixirs de vie perpétuelle.

    Achevons le portrait avec La Princesse de Paphlagonie :

    « La reine de Mysie estoit une femme grande, de belle taille et de bonne mine ; sa beauté estoit journalière par ses indispositions, qui en diminuoient un peu l’éclat. Elle avoit un air distrait et resveur qui lui donnoit une élévation dans les yeux et qui faisoit croire qu’elle mesprisoit ceux qu’elle regardoit ; mais sa civilité et sa bonté raccommodoient ce que les distractions pouvoient avoir gâté. Elle avoit de l’esprit infiniment. »

    Le réduit de madame la comtesse de Maure, Madonte (Prét., t. 1, p. 206) s’appeloit le Palais Nocturne.

    La connoissant telle qu’elle étoit, nous pouvons nous étonner de la voir en visite.