Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et cela obligea la cour de faire de nouveaux desseins sur sa personne. Il se retira d’abord en sa maison de Saint-Maur, et quelque temps après à Monrond, et de là à son gouvernement de Guienne. Le duc de Nemours le suivit, et madame de Longueville, qui étoit avec son frère, s’étant éprise du mérite du duc, lui fit tant d’avances, que ce prince, quoique fort amoureux d’ailleurs, ne lui put résister ; mais il se rendit par la fragilité de la chair plutôt que par l’attachement du cœur. Le duc de La Rochefoucauld[1], qui étoit depuis trois ans amant aimé

  1. François VI de La Rochefoucauld n’a rien oublié pour se faire bien connoître. Il a laissé un petit livre, cinquante pages immortelles, et des Mémoires : en 1658, il écrit : « Je suis d’une taille médiocre, libre et bien proportionnée ; j’ai le teint brun, mais assez uni ; le front élevé et d’une raisonnable grandeur ; les yeux noirs, petits et enfoncés, et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. Je serois fort empêché de dire de quelle sorte j’ai le nez fait, car il n’est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu, au moins à ce que je crois ; tout ce que je sçais, c’est qu’il est plutôt grand que petit et qu’il descend un peu trop bas. J’ai la bouche grande, les lèvres assez rouges d’ordinaire et ni bien ni mal taillées. J’ai les dents blanches et passablement bien rangées. On m’a dit autrefois que j’avois un peu trop de menton ; je viens de me regarder dans le miroir pour savoir ce qui en est, et je ne sçais pas trop bien qu’en juger. Pour le tour du visage, je l’ai ou carré ou en ovale ; lequel des deux ? Il me seroit fort difficile de le dire. J’ai les cheveux noirs, naturellement frisés ; et avec cela assez épais et assez longs pour pouvoir prétendre à une belle tête.

    « J’ai quelque chose de chagrin et de fier dans la mine : cela fait croire à la plupart des gens que je suis méprisant, quoique je ne le sois point du tout. J’ai l’action fort aisée, et même un peu trop, et jusqu’à faire beaucoup de gestes en parlant. Voilà naïvement comme je pense que je suis fait au dehors, et l’on trouvera, je crois, que ce que je pense de moi là-dessus n’est pas fort eloigné de ce qui en est. »

    En 1648, il étoit encore prince de Marcillac ; madame de Motteville