prudence et de concerter avec moi des moyens
d’y remédier, elle me nia effrontément qu’elle
eût jamais tiré copie de cette histoire, me soutenant qu’elle n’étoit pas publique, et que, si
elle l’étoit, il falloit que je l’eusse prêtée à d’autres qu’à elle. L’assurance avec laquelle elle me
parla, et le désir que j’ai d’ordinaire que mes
amis n’ayent jamais tort avec moi, ôtèrent mes
soupçons. Cependant je ne sçais comme elle fit,
mais enfm le bruit de cette histoire cessa pour quelque temps, après lequel une de ses amies, s’étant
brouillée avec elle, me montra une copie de ce
manuscrit qu’elle avoit faite sur la sienne. Ce fut
alors que le dépit d’avoir été si souvent trompé
par une de mes amies, qui me faisoit outrager
deux femmes de qualité par sa trahison, me fit
emporter contre elle. Et comme on ne se fait jamais
assez de justice pour souffrir sans vengeance le
ressentiment des gens qu’on a offensés, elle
ajouta ou retrancha dans cette histoire ce qui
lui plaisoit pour m’attirer la haine de la plupart
de ceux dont je parlois. Et cela est si vrai, que
les premières copies qui furent vues n’étoient
pas falsifiées ; mais si-tôt que les autres parurent, comme chacun court à la satyre la plus
belle, on trouva les véritables fades, et l’on les
supprima comme fausses.
« Je ne prétends pas m’excuser par là, car, quoi qu’effectivement je n’aie dit que du bien des gens que cette honnête amie a maltraités, je suis pourtant cause du mal qu’elle en a dit : non contente d’avoir empoisonné cette histoire en beaucoup d’endroits, elle en compose en suite d’autres toutes entières sur mille particularités