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qu’elle avoit sçues de moi dans le temps que
nous étions amis, lesquelles particularités elle
assaisonna de tout le venin dont elle se put aviser.
« Cependant, lorsque je sçus qu’une histoire
couroit sous mon nom, et que même mes ennemis l’avoient donnée au roi, quoique je n’eusse
qu’à nier, j’aimai mieux faire voir l’original à Sa
Majesté, et me charger de ma véritable faute,
que de me laisser soupçonner d’une que je n’avois pas commise. Vous sçavez, Monsieur, qu’au
retour du voyage de Chartres, pendant lequel le
roy avoit lu cette histoire, je vous priai de donner à Sa Majesté mon original écrit de ma main
et relié. Il prit la peine de le lire ; mais, quoiqu’il
trouvât une grande différence entre lui et la copie, il ne laissa pas de juger que l’offense que je
faisois à deux femmes de qualité, et celle que
j’étois cause qu’on avoit faite à d’autres, méritoient châtiment. Il me fit donc arrêter, et, donnant cet exemple au public, il satisfit en même
temps au ressentiment des gens intéressés et à sa
propre justice.
« Mes ennemis, me voyant à la Bastille, crurent que, n’étant pas en état de me défendre, ils pouvoient impunément m’accuser : ils dirent donc au roi que j’avois écrit contre lui ; mais Sa Majesté, qui ne condamne jamais personne sans l’entendre, les surprit fort en m’envoyant interroger par le lieutenant criminel. Je me disposai, sans hésiter un moment, à répondre devant lui, et sans vouloir faire la moindre protestation, ne croyant pas en être moins gentilhomme, et croyant par là rendre plus de respect au roi.