Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/239

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ce qu’il faisoit, et ce fut un de ses gens qui lui fit prendre garde de l’état où il s’étoit mis. Enfin, ne pouvant plus souffrir les visites du prince chez sa maîtresse, il la pria de s’en aller pour quelque temps chez elle. Elle, qui l’aimoit fort et qui ne croyoit pas qu’une petite absence ralentît la passion du prince, ne se fit pas presser, et lui promit même de chasser Bordeaux, qui avoit quitté ses intérêts pour être dans ceux de son rival. Madame de Châtillon ne fut pas long-temps à la campagne, et, à son retour, la jalousie reprit de telle sorte au duc de Nemours, qu’il fut vingt fois sur le point de faire tirer l’épée à monsieur le Prince ; et il eût succombé à cette tentation sans le combat qu’il fit avec son beau-frère, dans lequel il perdit la vie.

Madame de Châtillon, qui de vingt amants qu’elle a favorisés en sa vie n’en a jamais aimé que le duc de Nemours, fut dans un véritable désespoir de sa mort. Un de ses amis, qui lui en donna la nouvelle, lui dit en même-temps qu’il falloit qu’elle retirât des mains d’un des valets de chambre de feu monsieur de Nemours, qu’il lui nomma, une cassette pleine de ses lettres. Elle l’envoya quérir, et, sur la promesse qu’elle lui fit de lui donner cinq cents écus, elle retira cette cassette ; mais le pauvre garçon n’en a jamais rien pu tirer.

Pour monsieur le Prince, quelque obligation qu’il eût au duc de Nemours, la jalousie les avoit tellement désunis qu’il fut fort aise de sa mort ; la gloire, aussi bien que l’amour, avoit mis tant d’émulation entre eux qu’ils ne se pouvoient plus souffrir l’un l’autre, et cela étoit si vrai que,