Après qu’il m’eut fait connoitre l’original écrit
de ma main de l’histoire dont je vous viens de
parler, il me demanda si je n’avois rien écrit
contre le roi. Je lui répondis qu’il me surprenoit fort de faire une question comme celle-là à
un homme comme moi. Il me dit qu’il avoit ordre
de me le demander. Je répondis donc que non,
et qu’il n’y avoit pas trop d’apparence qu’ayant
servi 27 ans sans avoir eu aucune grâce, étant
depuis douze mestre de camp général de cavaerie légère, attendant tous les jours quelque récompense de Sa Majesté, je voulusse lui manquer de respect ; que pour détruire ce vrai-semblable-là il falloit ou de mon écriture ou des témoins irréprochables ; que, si l’on me produisoit
l’un ou l’autre en la moindre chose qui choquât
le respect que je dois au roi et à toute la famille
royale, je me soumettois à perdre la vie ; mais
que je suppliois aussi Sa Majesté d’ordonner le
même chastiment contre ceux qui m’accuseroient sans me pouvoir convaincre. Je signai
cela, et, le lieutenant criminel me disant qu’il l’alloit porter au roi, je le priai de dire à Sa Majesté
que je lui demandois très-humblement pardon
d’avoir été assez malheureux pour lui déplaire.
« Depuis ce temps-là n’ayant vu ni le lieutenant criminel ni aucun autre juge, j’ai bien
cru qu’une si noire et ridicule calomnie n’avoit
fait aucune impression dans un esprit aussi clairvoyant et aussi difficile à surprendre que celui
du roi.
« Mais, Monsieur, personne ne connoît si bien que vous la fausseté de cette accusation ; car, outre que vous voyez, comme tout le monde,