Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/292

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    Bien loin de le voir mêlé dans les affaires, agissant par luy-même et se rendant considérable par son crédit, nous ne le verrons plus que dans une continuelle dépendance. Sur quoy l’on rapporte que, la duchesse de Châtillon ayant fait des reproches à ce prince du peu de soins qu’il prenoit de faire valoir son autorité, et luy ayant remontré qu’étant prince du sang, il devoit tenir le rang qui étoit dû à sa dignité, ce prince luy répondit : « Madame, je n’ignore pas ce que vous venez de me représenter, et, assurément, je n’ay pas besoin qu’on m’invite à faire valoir l’autorité qui est due à ma naissance. J’y serois assez porté moi-même, si le roy étoit moins jaloux de son pouvoir et moins heureux qu’il n’est ; mais aussi, Madame, si vous connoissiez son humeur comme je la connois, vous me parleriez d’une autre manière que vous ne faites. » (Pierre Coste, p. 251.)

    Cela fut dit en 1660 ; mais le temps étoit passé des aventures politiques, et madame de Châtillon dut bientôt se résigner à devenir madame de Meckelbourg.

    En 1680 (Sévigné, 12 janvier), « madame de Meckelbourg est logée à la rue Taranne, où étoit la Marans. Cela ne ressemble guère à l’hôtel de Longueville. »

    En 1692, Abraham du Pradel (le Livre commode) la loge près de Saint-Roch et lui donne le titre de dame curieuse, c’est-à-dire de collectionneuse, de dame à beaux meubles, à tableaux, à colifichets. Ce fut là son dernier logement. Lorsqu’elle meurt, Saint-Simon (t. 1, p. 50). dit qu’elle logeoit dans une des dernières maisons près de la porte Saint-Honoré.

    Elle avoit beaucoup aimé son frère Luxembourg ; elle ne lui survécut pas (Saint-Simon, t. 1, p. 84 et 144).

    M. de Meckelbourg étoit mort à La Haye en 1692. Madame de Meckelbourg étoit restée l’amie de Monsieur (Saint-Simon, note à Dangeau, 24 janvier 1695). En mourant elle laissa 4,000,000 encore, près de douze millions d’aujourd’hui.

    « Ah ! ne me parlez point de madame de Meckelbourg : je la renonce. Comment peut-on, par rapport à Dieu et même à l’humanité, garder tant d’or, tant d’argent, tant de meubles, tant de pierreries, au milieu de l’extrême misère des pauvres dont on étoit accablé dans ces derniers momens ? » (Sév., 3 février 1695.)