Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/303

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Le lendemain, le comte de Guiche, étant retourné chez madame d’Olonne, laissa pour une autre fois les reproches qu’il avoit à faire sur son mari, et ne voulut pour ce coup parler que de l’abbé Foucquet. Madame d’Olonne, qui étoit remplie de considération quand il falloit perdre un amant, non pas tant pour la crainte de son dépit que parcequ’elle en ôtoit le nombre, dit au comte de Guiche qu’il étoit le maître de sa conduite, qu’il pouvoit lui prescrire telle manière de vie qu’il lui plairoit ; que, si l’abbé lui donnoit de l’ombrage, non seulement elle ne le verroit plus, mais qu’il seroit témoin, s’il vouloit, de quel air elle lui parleroit. Le comte, qui n’eût jamais osé lui demander un si grand sacrifice, accepta les offres qu’elle lui en fit. Le rendez-vous se prit chez Craf pour le lendemain, où madame d’Olonne, seule avec le comte et l’abbé, parla ainsi à ce dernier, après avoir tout concerté la veille. « Je vous ai prié, Monsieur l’abbé, de vous trouver ici pour vous dire, en présence de monsieur le comte de Guiche, que je n’aime et que je ne puis jamais aimer personne que lui. Nous avons tous deux été bien aises que vous le sçussiez, afin que vous n’en prétendiez cause d’ignorance. Ce n’est pas, je l’avoue, que vous ayez pris jusqu’ici d’autre parti avec moi que celui d’ami, mais comme vous n’y entendez pas finesse, peut-être que vous n’avez pas pris garde que vos visites étoient un peu trop fréquentes, et vous sçavez que cela ne plaît pas d’ordinaire à un homme aussi amoureux que l’est monsieur le comte, quelque confiance qu’il ait en sa maîtresse. Pour moi, je ne veux songer toute ma vie qu’à