Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/335

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taillés ; elle a les cheveux blonds, déliés et épais. Elle a bien dansé et a l’oreille encore juste ; elle a la voix agréable, elle sçait un peu chanter. Voilà, pour le dehors, à peu près comme elle est faite. Il n’y a point de femme qui ait plus d’esprit qu’elle, et fort peu qui en aient autant ; sa manière est divertissante. Il y en a qui disent que pour une femme de qualité, son caractère est un peu trop badin. Du temps que je la voyois, je trouvois ce jugement-là ridicule, et je sauvois son burlesque sous le nom de gaîté ; aujourd’hui qu’en ne la voyant plus son grand feu ne m’éblouit pas, je demeure d’accord qu’elle veut être trop plaisante. Si on a de l’esprit, et particulièrement de cette sorte d’esprit qui est enjoué, on n’a qu’à la voir : on ne perd rien avec elle ; elle vous entend, elle entre juste en tout ce que vous dites, elle vous devine, et vous mène d’ordinaire bien plus loin que vous ne pensez aller. Quelquefois aussi on lui fait bien voir du pays ; la chaleur de la plaisanterie l’emporte. En cet état, elle reçoit avec joie tout ce qu’on lui veut dire de libre, pourvu qu’il soit enveloppé ; elle y répond même avec mesure, et croit qu’il iroit du sien si elle n’alloit pas au delà de ce qu’on lui a dit. Avec tant de feu, il n’est pas étrange que le discernement soit médiocre : ces deux choses étant d’ordinaire incompatibles, la nature ne peut faire de miracle en sa faveur ; un sot éveillé l’emportera toujours auprès d’elle sur un honnête homme sérieux. La gaîté des gens la préoccupe. Elle ne jugera pas si on entend ce qu’elle dit. La plus grande marque d’esprit qu’on lui peut donner, c’est d’avoir de l’admiration pour elle ; elle