Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/175

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« Je ne fus pas plus tôt rentré chez moi, que je donnai ordre qu’on renvoyât tous ceux qui me viendroient demander, et vous fûtes le seul excepté. Je repassai mille fois dans mon esprit l’entretien que j’avois eu avec Madame, et, après avoir fait cent résolutions opposées l’une à l’autre, je me déterminai enfin à lui écrire ce billet :

Le Comte de Guiche à Madame. 

C’est vous que j’aime, Madame ; le portrait que je vous fis hier de vous-même ne vous l’a que trop fait connoître. Si vous trouvez que cet aveu soit trop hardi, vous devez vous en prendre à votre curiosité, et vous souvenir que je n’ai pas dû désobéir à la plus belle personne du monde. La crainte de vous déplaire me feroit encore balancer à me déclarer, s’il étoit quelque chose de plus funeste pour moi que le déplaisir de vous taire que je vous adore. Pardonnez-moi, divine princesse, si je vous dis que je ne pense point à tous les malheurs dont vous me pouvez accabler, pour me punir. Je n’ai l’esprit rempli que de la joie de vous faire juger que ma passion est infinie par la grandeur de votre mérite et par celle de ma témérité.

« Après avoir relu ce billet, que je trouvai assez conforme à mes intentions, je le cachetai le plus proprement que je pus ; et le lendemain, étant à Versailles, où le nombre de courtisans étoit médiocre, je pris mon temps de m’approcher de Madame, tandis que Saint-Hilaire chantoit ;