Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/176

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j’étois derrière la chaise de Madame, et, comme elle se tourna de mon côté : « Madame, lui dis-je assez bas pour n’être entendu que d’elle, je parlai hier à la dame : mon intention étoit de vous satisfaire en toutes choses ; mais, ayant prévu que je ne le pouvois facilement en ce lieu, j’ai mis ce qu’il faut que vous sachiez dans un billet que je vous donnerai avant que de sortir d’ici. J’ose vous le recommander, Madame : il y va de ma fortune et de la perte de ma vie, si vous le montrez. — Il me semble, me repartit-elle, que je vous en ai assez dit pour vous rassurer. »

« Elle ne m’en dit pas davantage ; un quart d’heure après elle se leva pour aller voir les ouvrages de filigrane, et je pris une de ses mains pour lui aider à marcher. J’étois dans une émotion si grande, qu’il m’en prenoit des tressaillemens de moment en moment ; toutefois comme j’avois pris ma résolution, je lui coulai doucement dans la main le billet que je vous ai dit, et je remarquai que, m’ayant lâché la main sous prétexte de prendre un mouchoir, elle le mit doucement dans sa poche et se rappuya sur mon bras. De tout le reste de la journée je ne lui parlai que haut et devant tout le monde.

« Je retournai à Paris avec la gaîté d’un homme qui s’est déchargé d’un pesant fardeau. Aussitôt que je fus dans mon lit, je fus affligé de nouvelles inquiétudes, qui se représentoient à mon souvenir par cent bizarres images, et je ne fis que me tourmenter, en attendant l’heure que je pourrois savoir le succès de mon billet.

« Le jour arriva, que je ne savois encore si je suivrois le Roi au Palais-Royal, lorsque vous