Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/177

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vîntes me dire qu’il y avoit grande collation chez Monsieur, où les hommes et les dames seroient fort parés. Cela me fit résoudre à prendre l’habit le plus magnifique que j’aie jamais porté, et aller recevoir de bonne grâce tout ce qui m’étoit préparé par ma destinée. Le Roi mena La Vallière sur le soir chez Monsieur ; nous y trouvâmes la Comtesse de Soissons, madame de Montespan, près de laquelle Monsieur faisoit fort l’empressé, et plusieurs autres dames de la Cour. Madame y arriva un moment après, si parée de pierreries et de sa propre beauté, qu’elle effaça toutes les autres. Je m’avançai pour me trouver sur son passage ; je la regardai avec des yeux qui marquoient quelque chose de si soumis et si rempli de crainte, que, me voyant en cet état, elle eut quelque compassion de moi, et me fit un petit signe de tête si obligeant que j’en fus une demi-heure hors de moi, tant les grandes joies sont peu tranquilles. On dansa, on joua, et pendant tout ce temps je me trouvai le plus souvent que je pouvois en vue de Madame sans l’approcher. J’aurois toujours fait la même chose pendant la collation, si Montalais ne se fût approchée de moi, laquelle voyoit par mes yeux dans le fond de mon cœur, et ne m’eût averti de prendre garde à moi et à ce que je faisois ; elle y ajouta l’ordre de ne pas manquer de me trouver chez Madame le lendemain au soir, et, quelque question que je lui fisse, elle ne me voulut rien dire davantage, ni même m’écouter.

« Vous pouvez croire que je ne manquai pas de me rendre au Palais-Royal avec une exactitude extrême. Montalais me vint recevoir dans un