Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/178

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petit passage, d’où elle me mena dans sa chambre, où nous nous entretînmes quelque temps. Je la conjurai de me dire si elle ne savoit point ce qu’on vouloit faire de moi, lorsque Madame entra elle-même ; elle étoit en robe de chambre, mais propre et magnifique. D’abord je lui fis une profonde révérence ; et, après que je lui eus donné un fauteuil, elle me commanda de prendre un siége et de me mettre auprès d’elle. Dans le même temps, Montalais s’étant un peu éloignée de nous, elle parla ainsi :

« Comte, votre malheur a pris soin de me venger de vous ; je le trouve si grand, que je veux bien vous en avertir, afin que vous vous y prépariez. J’ai lu votre billet, et, comme je le voulois brûler, Monsieur l’a arraché de mes mains et lu d’un bout à l’autre. Si je ne m’étois servie de tout le pouvoir que j’ai sur lui et de toute mon adresse, il auroit déjà fait éclater sa vengeance contre vous. Je ne vous dis point ce que la fureur lui a mis à la bouche. C’est à vous à penser aux moyens de sortir du danger où vous êtes.

— Madame, lui dis-je en me jetant à ses pieds, je ne fuirai point ce mortel danger qui me menace ; et si j’ai pu déplaire à mon adorable princesse, je donnerai librement ma vie pour l’expiation de ma faute. Mais si vous n’êtes point du parti de mes ennemis, vous me verrez préparé à toutes choses avec une fermeté qui vous fera connoître que je ne suis pas tout-à-fait indigne d’être à vous. — Votre parti est trop fort dans mon cœur, reprit-elle en me commandant de me lever et me tendant la main obligeamment,