Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/181

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m’avoit tout à fait interdit, et que j’eus toujours mille inquiétudes jusqu’à trois jours de là, qu’on me donna rendez-vous au même endroit et à la même heure. Je m’y rendis avec plus de joie, parce que Monsieur soupoit au Louvre et que je crus que j’y serois moins interrompu. La nuit étoit claire et sereine ; elle me parut sans doute mille fois plus belle que le jour, et, sitôt que Montalais m’eut introduit, je n’eus pas beaucoup de temps à rêver, car Madame entra peu après dans cette même chambre où je l’attendois. — Hé bien, comte, me dit-elle d’un visage assez gai, êtes-vous guéri ? — Madame, lui repartis-je, les maux que cause la joie ne sont pas des maux de durée ; si Votre Altesse m’eût donné un peu plus de temps, j’en serois revenu bien plus vite. — Il est vrai, reprit-elle, que je croyois vous voir mourir à mes pieds, tant vous me parûtes languissant. — Je ne suis pas, lui dis-je, destiné à une fin si glorieuse ; mais je sais bien que les plus grands princes envieroient ma condition présente et que je l’aime mieux que la leur. — Ce que vous me dites, reprit-elle, est assez comme je souhaite qu’il soit ; mais, poursuivit-elle en riant, que ces pensées-là ne vous rejettent pas en l’état de l’autre jour, car enfin vous me mîtes dans une peine extrême. — Vous ne m’avez, lui dis-je, donné que trop de temps pour me préparer à mon bonheur, et je croyois avoir le bonheur de vous revoir plus tôt. — Cela n’est pas si aisé que vous le pourriez croire, dit-elle ; si vous saviez toutes les précautions que je suis obligée de prendre pour cela et tous les soins de Montalais, vous nous en sauriez bon gré à