Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/215

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moi ! que dites-vous ? moi, songer à Mademoiselle ! Ah ! monsieur, je connois trop cette princesse et je me connois trop moi-même pour concevoir un dessein dont le bruit m’épouvante, et dont la seule pensée me rendroit criminel. Je n’ai garde d’en oser seulement former le dessein. — Pourquoi non ? reprit son ami ; vous savez que l’on perd souvent faute de chercher. Quel mal y auroit-il, quand vous tenteriez la fortune ? Cette princesse n’est pas inaccessible, et à vous surtout, car nous savons que vous êtes assez bien avec elle, et même qu’elle vous souffre et qu’elle vous écoute plus volontiers qu’aucun autre. Ainsi, quel mal y auroit-il, encore un coup, quand vous la sonderiez un peu ? — Ah ! répondit M. le comte de Lauzun, je n’oserois seulement pas y penser. La réponse que je suis obligé de faire à vos discours obligeants me met à la torture, tant je vois d’impossibilité à ce que vous me dites. — Vous y songerez si vous voulez, s’écria alors toute la compagnie ; nous sommes tous de vos amis, et nous vous le conseillons, parcequ’ayant eu tant d’esprit et de conduite que vous en avez et possédant l’oreille avec les bonnes grâces de votre Roi comme vous faites, rien ne vous est impossible. Pensez-y si vous nous croyez ; c’est pour vous, et nous aurions tous la dernière joie [1] si vous pouviez réussir, et vous n’agirez pas sagement si vous ne nous croyez. »

M. de Lauzun ayant répondu à tous comme il avoit fait au premier, et s’en étant défendu par

  1. Le mot dernier, employé en ce sens, avoit été introduit par les Précieuses. Voy. notre édition du Dictionnaire des Précieuses (Bibl. elzev.) ; Paris, Jannet, 2 vol in-16, t. 1.