Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/253

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pour y manquer. » Il prononça ces paroles avec cet agrément ordinaire dans tous ses discours ; et Mademoiselle, qui n’étoit pas fâchée du soin qu’il avoit à lui faire tenir sa promesse, fut bien aise de voir l’empressement avec lequel M. de Lauzun le faisoit. Et cette princesse lui ayant demandé, quoiqu’elle le sût aussi bien que lui, s’il y avoit déjà trois mois, notre amant lui répondit en ces paroles : « Il est vrai, Mademoiselle, que j’ai tâché à bien compter ; mais, quelque exactitude que j’y aie pu apporter, je suis assuré que je me suis trompé moi-même, et qu’au lieu de trois mois que Votre Altesse Royale avoit pris, j’ai laissé passer trois années. Et si je voulois compter selon l’ardeur de mon attente, je suis assuré que j’irois jusqu’à l’infini sans en trouver le compte. — Mais, lui dit Mademoiselle, qu’est-ce que vous en ferez de cette confidence, quand je vous l’aurai faite ? — Ce que j’en ferai ? répliqua M. de Lauzun ; je m’en réjouirai, et la joie que j’en attends me rendra un des plus contents hommes du monde ; et d’autant plus que je serai le premier à qui ce glorieux avantage sera permis. — Eh bien, dit Mademoiselle, je vous le dirai ce soir [1]. — Mais de

  1. « Un jeudi au soir, je le trouvai chez la reine. Je lui dis : « Je suis déterminée, malgré toutes vos raisons, à vous nommer l’homme que vous savez. » Il me dit qu’il ne pouvoit plus se défendre de m’écouter ; il me répondit sérieusement : « Vous me ferez plaisir d’attendre à demain. » Je lui répondis que je n’en ferois rien, parceque les vendredis m’étoient malheureux. Dans le moment que je voulus le nommer, la peine que je conçus que cela lui pourroit faire augmenta mon embarras. Je lui dis : « Si j’avois une écritoire et du papier, je vous écrirois le nom ; je vous avoue que je n’ai pas la force