Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/108

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Mademoiselle,

Je suis persuadé que, si je ne vivois entièrement pour vous, je n’aurois pu vous voir enlever à mes yeux sans mourir. Encore si j’eusse pu avoir l’honneur de prendre congé de vous, et de savoir vos sentiments, je m’en serois consolé. Faites-moi donc la grâce que je vous puisse parler en quelque lieu. Ha ! qui l’auroit cru, si près de nous voir, être si cruellement separés ! Il n’importe, et j’espère que votre bonté réparera la perte que nous avons faite. Adieu, ma chère ; faites-moi savoir de vos nouvelles, et vous fiez entièrement au porteur, car il est de nos amis.

Elle ne balança point sur sa réponse. Il y avoit du temps qu’elle souffroit de cette nouvelle maîtresse, et elle en vouloit sortir absolument, à quelque prix que ce fût ; ainsi elle fit la réponse suivante, qu’elle glissa subtilement dans la poche du paysan :

Monsieur,

Quoique je ne vous aye pas vu depuis mon départ de…. je n’ai pourtant pas laissé éteindre dans mon cœur la passion que vous y aviez allumée ; et pour preuve de cela, trouvez-vous demain à quatre heures, déguisé en fille, au bord du bois qui joint au grand chemin : là j’aurai l’honneur de vous voir.

Jamais le marquis n’eut plus de joie que lorsqu’il apprit cette nouvelle ; il baisa cent fois cette