Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/133

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qu’elle avoit marqué d’aimer fort les vers, et qu’elle avoit pris un indicible plaisir à lui en entendre réciter : il voulut donc la tenter par là, il lui écrivit plusieurs billets de cette manière. D’abord elle les rebuta comme les autres ; après elle les lut, mais n’y vouloit point faire de réponse. Néanmoins notre amant ne se lassa jamais de lui envoyer ses billets doux : sa constance, ses soins respectueux, à quoi joint les assiduités de la confidente, le firent rentrer dans ses bonnes grâces ; et comme il avoit éprouvé l’inconstance du sexe, il ne crut pas à propos de prolonger plus longtemps cette affaire : il la pressa donc, et firent si bien que dans peu ils achevèrent leur mariage[1], de crainte de quelque autre désastre,

  1. La date du mariage de Scarron s’est trouvée, pour des écrivains superficiels, dans ce passage de Segrais : « Scarron se maria en 1650, et cette année plusieurs personnes d’esprit se marièrent aussi comme lui… Cela fit dire à madame de Rambouillet qu’elle craignoit que l’envie ne lui prît aussi de se marier. » (Segraisiana, p. 100.) Or, premièrement madame de Rambouillet n’étoit pas encore veuve à ce moment, et la plaisanterie ne s’expliqueroit pas de sa part étant mariée ; ensuite Segrais dit, en parlant du projet qu’avoit formé Scarron d’aller en Amérique, que, cette année, il demanda la main de mademoiselle d’Aubigné et que le mariage se fit deux ans après. Ce sont là de purs commérages. Loret est bien mieux renseigné. Dans sa Gazette du 31 décembre 1651, il dit :
    Monsieur Scarron, dit-on, se pique
    De transporter en Amérique
    Son corps meigret, foible et menu.

    Il ajoute que sa sœur, Céleste Scarron, doit l’accompagner, et ne dit mot de sa femme, dont il n’eût pu manquer de parler si Scarron eût été marié.—Dans sa lettre du 14 juin