Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/199

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les lèvres vermeilles ; elle a le teint beau et frais, et des bras comme de cire. Je ne dirai rien de son extraction, parce qu’elle appartient à une famille considérable, qui n’aime pas d’être nommée, ni que l’on sache ses aventures. Elle[1] fit rompre par arrêt son premier mariage avec un marquis, pour épouser un duc, dont l’histoire est assez connue à Paris, et que je tairai ici, puisque cela ne fait rien à notre sujet : il suffit que cette aimable dame a eu l’adresse de savoir plaire à notre Dauphin, pendant même qu’elle étoit fille ; ce qui obligea madame la Dauphine, qui n’aimoit pas de partager son lit, de s’en défaire le plus tôt qu’il lui fut possible, par un mariage avec monsieur le comte du Roure. Cette précaution néanmoins n’éteignit pas le feu de Monseigneur ; au contraire, il se prévalut du manteau de l’hyménée pour se mieux divertir ; et la mort, qui fauche dans le palais des rois de même que dans les cabanes des bergers, ayant enlevé de la terre ceux qui étoient les plus contraires à la comtesse, qui furent madame la Dauphine[2] et le même comte du Roure[3], nos jeunes amants se virent tous deux en liberté, et se renouvelèrent leurs amours, et de grandes promesses de fidélité l’un à l’autre. « Ah ! mon ange, lui dit Monseigneur à la première visite, le ciel nous a mis tous deux en liberté pour jouir sans empêchement des doux plaisirs de l’amour. » Le Roi, qui savoit tout, et qui étoit averti de ce petit commerce galant, ne manqua pas de le traverser à la veille d’une célèbre

  1. Elle ; il faut lire : sa mère. En effet, mariée d’abord avec le marquis de Langey (ou plutôt Langeais), elle se sépara de ce premier mari à la suite d’un scandaleux procès que nous avons rappelé ci-dessus, tome II, p. 436.
  2. Madame la Dauphine mourut le 20 avril 1690.
  3. Le comte du Roure fut tué à la bataille de Fleurus, le 1er juillet 1690.