Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/213

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croit que toutes les craintes et défiances du Roi régnant ne viennent pas seulement des foiblesses du corps, mais que l’esprit y a beaucoup de part ; c’est pourquoi on lui voit souvent jeter de l’eau bénite dans sa chambre, et ce grand monarque ne se coucheroit pas qu’il ne s’en soit jeté quelques gouttes sur le visage en faisant dévotement le signe de la croix, et il en arrose même son lit. Mais retournons à nos amants.

La comtesse du Roure, qui avoit été cinq ou six jours sans voir le Dauphin, qui ne put venir le jour qu’il avoit marqué par son billet, lui écrivit cette lettre :


Mon prince, si je vous savois à l’Armée, ou dans un voyage, je me consolerois dans l’attente de votre retour ; mais vous sachant chez vous au milieu d’une Cour où j’ai mille et mille ennemis, je ne puis me consoler d’une si longue absence, puis qu’il n’y a que vous qui puisse soulager ma peine, et me délivrer du chagrin où je suis. Ne me laissez donc pas, mon cher cœur, longtemps dans la crainte que j’ai que quelque nouvel attachement ne vous fasse oublier ce que je vous suis et ce que vous m’avez promis. Mon indisposition ne me permet pas de vous en dire davantage. Je vous conjure, mon prince, d’aimer toujours une personne qui ne vit plus que pour vous plaire, et qui vous aimera jusqu’au dernier soupir de sa vie.

La Comtesse du Roure.

En effet, son indisposition n’étoit pas supposée, car l’aimable comtesse en eut pour neuf