Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/223

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Lionne il y avoit longtemps, et, pour les plaisirs qu’il lui donnoit, elle le secouroit dans sa pauvreté ; de sorte que par son moyen elle tâchoit de se soutenir comme les autres. Il n’auroit pas été fâché qu’elle eût eu le désir de plaire au Roi, et il auroit été encore plus aise qu’elle y eût réussi ; mais, voyant que, sans songer qu’il lui rendoit service depuis sa jeunesse, elle vouloit se pourvoir ailleurs, il lui dit franchement qu’elle songeât bien à ce qu’elle alloit faire ; qu’il étoit déjà assez rebuté d’avoir les restes de son mari, pour ne pas vouloir avoir ceux d’un autre ; que, s’il avoit donné les mains à l’amour du Roi, elle savoit bien que ce n’étoit que sous promesse que ce monarque ne partageroit que les plaisirs du corps, sans partager son affection ; que ce qu’elle faisoit tous les jours lui montroit assez qu’elle cherchoit quelque nouveau ragoût ; que ce procédé ne lui plaisoit pas, et qu’en un mot, si elle ne réformoit sa conduite, elle pouvoit s’attendre à tout le ressentiment qu’un amant outragé est capable de faire éclater en pareille occasion.

Ces reproches ne plurent point à la dame ; et comme elle croyoit qu’en le payant comme elle avoit toujours fait, il seroit encore très heureux de lui rendre service, elle lui dit qu’il étoit fort plaisant de lui parler de la sorte ; que ce seroit tout ce que son mari pourroit faire ; mais qu’elle voyoit bien d’où lui venoit cette hardiesse ; que les bontés qu’elle avoit pour lui lui faisoient présumer

    de 300,000 livres, en échange du comté de Lavagne, qui avoit été confisqué sur ses ancêtres par la république génoise. (Voy. t. I, p. 52.)