Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/253

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monta en carrosse, résolu d’aller coucher avec la Du Mesnil, si le maréchal de Grancey, qui l’avoit fait entrer dans le sien, la pouvoit laisser en liberté. Pour cet effet il commanda à un de ses laquais de les suivre et de lui en venir dire la réponse à un endroit qu’il lui marqua. Le laquais ne tarda guère à revenir, et lui ayant appris que le maréchal, après l’avoir ramenée chez elle, s’en étoit retourné chez lui, il s’y fit mener et y passa la nuit.

Comme il y avoit du vin sur le jeu, et qu’il n’étoit pas sur le pied de se beaucoup contraindre, il ne s’aperçut pas si le charme du Polville étoit rompu, et remit toutes choses au lendemain. Mais il étoit encore endormi lorsque Gendarme vint à la porte ; et comme c’étoit de la part du patron et qu’on ne pouvoit pas la lui refuser, la Du Mesnil n’eut le temps que de l’éveiller et de le prier de se cacher derrière le rideau. Gendarme, qui, pour faire enrager son maître, remarquoit jusqu’aux moindres choses, aperçut, en lui faisant son compliment, qu’il y avoit une autre place que la sienne qui étoit foulée ; et, impatient de l’aller redire au vieillard, il courut plus vite qu’à l’ordinaire, si bien que, quand il arriva à l’hôtel de Grancey, il étoit tout hors d’haleine.

Le maréchal lui demanda pourquoi il étoit si échauffé ? « Pour vous dire, répondit-il, que vous êtes la plus grande dupe qu’il y eut jamais ; que pendant que vous dormez ici tranquillement on vous fait de belles affaires ; que tous les enfants que vous pensez à vous ont d’autres pères malgré leurs belles oreilles, et qu’en un mot, vous êtes cocu. Levez-vous seulement, continua-t-il,