Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et vous verrez encore la bête au gîte, ou tout du moins le gîte si bien marqué qu’il sera aisé de la suivre à la piste. » Le maréchal, qui savoit le plaisir qu’il prenoit à lui donner des soupçons, lui dit qu’il prît garde à ce qu’il disoit, qu’il y alloit de sa vie et qu’il ne le lui pardonneroit plus. Cependant il demandoit sa jambe, son caleçon et ses habits ; et il étoit si pressé de se lever, Gendarme si pressé de lui montrer ce qu’il avoit promis, que l’un oublia de lui demander son brayer, et l’autre de lui mettre.

Le branle du carrosse fit que le maréchal s’aperçut le premier de la bévue ; il fallut retourner au logis pour le quérir, et pendant ce temps-là le duc de Sault s’habilla et sortit. La Du Mesnil, qui savoit que Gendarme ne l’aimoit pas, fit refaire son lit en même temps et se coucha tout au beau milieu. Ce fut un opéra que d’accommoder le brayer dans le carrosse. Gendarme juroit comme un charretier que le maréchal l’avoit fait exprès pour donner le temps à l’oiseau de prendre l’essor ; le maréchal, au contraire, que cela venoit de lui pour avoir une excuse ; enfin c’étoit quelque chose de fort divertissant que de voir leur dispute, et ils parloient si haut que le monde s’amassoit déjà autour du carrosse. Les laquais, qui étoient accoutumés à ce manége, ayant fait retirer ceux qui vouloient s’arrêter, le maréchal tira ses rideaux pour ne pas faire voir son infirmité à ceux qui ne la savoient pas.

La chose s’étant achevée avec grand’peine, ils continuèrent leur chemin, et étant arrivés chez la Du Mesnil, Gendarme fut fort étonné de ne voir qu’une place foulée au lieu de deux qu’il