Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rompue, qu’il fut trouver la marquise, et la prévenant par un regard qui découvroit assez quelle en étoit la source, pour peu qu’elle y eût pris garde : « Je ne sais, Madame, lui dit-il, si vous ne vous êtes point déjà aperçue de l’extrême passion que j’ai pour vous. Si je vous en avois parlé dès le moment que je l’ai sentie, ç’auroit été dès le premier jour que je vous ai vue ; mais ces sortes de déclarations n’appartiennent qu’à des étourdis, et j’ai toujours cru, pour moi, qu’avant que d’en venir là, il falloit avoir prévenu la personne par quelque service considérable. Si vous avez bien remarqué mon procédé, je n’ai guère laissé passer d’occasion sans le faire ; cependant ç’a toujours été si peu de chose, en comparaison de ce que j’aurois voulu, que je n’ai pas eu la hardiesse de me découvrir jusqu’ici. Aujourd’hui les choses changent de face : je viens de réduire dans le devoir une famille qui se déchaînoit contre vous et qui ne parloit pas moins que de vous envoyer en religion. Je sais bien, madame, qu’on ne vous rendoit pas justice ; mais enfin c’en étoit fait, si je n’eusse pris votre parti. Cela mériteroit quelque récompense pour un autre ; mais pour moi, je serai toujours trop satisfait si vous me permettez seulement de vous voir et de vous aimer. »

La marquise de Cœuvres avoit été tellement étonnée de sa déclaration, qu’elle avoit eu peine à croire ce qu’elle entendoit. Mais comme elle étoit sur le point de lui témoigner son ressentiment, ce qu’il lui venoit de dire d’ailleurs la surprit si fort, qu’elle oublia tout le reste pour lui demander ce qu’elle avoit fait pour être si maltraitée. «