Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/270

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je vous adore, répliqua l’évêque, et que je cherche toutes les occasions de vous rendre service. — Quoi donc ! lui répondit-elle, vous traitez de bagatelles qu’un évêque aime une femme mariée, et qu’un oncle tâche de séduire sa nièce ? Croyez-moi, si j’ai quelque cas à consulter, vous ne serez jamais mon casuiste. Cependant obligez-moi, non pas de ne me voir jamais, puisqu’il n’est pas en mon pouvoir de l’empêcher, mais de ne me tenir jamais de tels discours ; car je n’aurois peut-être pas assez de discrétion pour le cacher à monsieur de Cœuvres. »

Ces paroles furent un coup de foudre pour cet évêque, et, quelque esprit qu’il eût, il demeura si court qu’il ne put dire un seul mot. Un pauvre malheureux prestolet, qui sollicitoit un démissoire depuis longtemps, s’étant présenté à lui un moment après, essuya tout son chagrin : il lui dit mille choses fâcheuses ; et ses gens, qui ne l’avoient jamais vu de si méchante humeur, ne surent à quoi attribuer un si grand changement. Cependant ils eurent eux-mêmes à souffrir de ce qui lui étoit arrivé. Quand il fut à table, il trouva tout si mauvais, qu’il demanda si on le vouloit empoisonner. Enfin, s’il eût osé, il auroit battu tout le monde.

Son amour ne s’éteignit pas pour cela ; au contraire, il augmenta par la difficulté ; mais, n’osant plus rien dire à la marquise, de la manière qu’il en avoit été reçu, il résolut de veiller de si près à sa conduite, qu’il fit faire par crainte ce qu’il n’avoit pu lui faire faire par amour.

Cet argus, malgré tous ses yeux, ne put rien