Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/312

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maintenant rapporter. Le maréchal, tout brutal qu’il étoit, devenoit quelquefois amoureux, et pour le mettre de bonne humeur quand il revenoit de Lorraine, le marquis de Beuvron, dont l’intrigue duroit encore, avoit eu soin de détourner une des plus belles filles qu’il y eût dans tout Paris, laquelle il avoit été prendre dans un lieu public, afin qu’elle suivît ponctuellement ses volontés. Il l’avoit mise auprès de la maréchale, et les ayant bien embouchées toutes deux, le maréchal ne fut pas plutôt de retour, que cette fille s’efforça de lui donner dans la vue. C’étoit une personne si belle et si bien faite, qu’il ne faut pas s’étonner s’il tomba dans les filets. Il lui donna d’abord tous ses regards ; et, la croyant aussi vertueuse qu’elle affectoit de le paroître, il ne fut pas longtemps sans lui faire offre de son cœur. Elle n’eut garde de l’accepter dans le moment, et, l’ayant rendu encore plus amoureux par ses refus, enfin il en fut tellement enchanté, qu’il la poursuivoit devant tout le monde. Sa femme, pour pousser sa ruse à bout, fit mine de s’en scandaliser ; mais il n’en fut ni plus ni moins pour tout cela : de quoi elle ne se soucioit guère, puisque ce qu’elle en faisoit n’étoit que pour lui faire accroire qu’il ne lui étoit pas indifférent.

Quand la vestale eut fait toutes les mines qu’elle jugea à propos de faire pour lui donner meilleure opinion de sa personne, elle se rendit à ses désirs. Cependant, quoique la fortune du maréchal ne fût pas trop rare, il en fut si charmé qu’il ne pouvoit plus vivre sans elle. Elle fit fort bien son devoir auprès de lui, c’est-à-dire,