Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/318

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une aussi belle conquête. De Fiesque[1] étoit de ses amis, mais non pas de ceux qui avoient aspiré à la posséder ; ainsi, croyant qu’elle lui pouvoit ouvrir son cœur sans qu’il en eût de la jalousie : « C’est une étrange chose, lui dit-elle un jour, que j’entende dire tant de bien du duc de Longueville, et que je ne le connoisse pas ! Je le vois partout, hors chez moi, et il y a des femmes bien plus heureuses les unes que les autres : j’en connois mille chez qui il va, qui ne me valent pas, sans vanité ; et à vous dire vrai, mon cher comte, j’enrage de le voir avec elles, ou aux Tuileries, ou aux autres promenades, pendant que je n’en ai qu’un coup de chapeau. »

De Fiesque, qui étoit la complaisance même, lui dit qu’elle avoit raison, et qu’elle en devoit être bien mortifiée ; mais après lui avoir dit beaucoup de choses à l’avantage de sa beauté et de son esprit, pour lui faire accroire que c’étoit à bon droit qu’elle prétendoit à cette conquête : « Que voulez-vous que je vous dise ? continua-t-il ; vous péchez quelquefois contre la conduite ; et si vous voulez que je vous parle sincèrement, chacun ne s’accommode pas de votre humeur. Je suis des amis du duc de Longueville, et même des plus intimes ; si bien qu’il n’a pas feint de m’ouvrir son cœur, et que, si je

  1. Jean-Louis de Fiesques, comte de Lavagne, fils de Charles-Léon, comte d’Harcourt, et de Gilonne d’Harcourt, veuve du marquis de Piennes. C’est à lui que Louis XIV fit donner par les Génois une somme de 300,000 fr. pour le dédommager de la confiscation faite, au XVe siècle, du comté de Lavagne.