Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/335

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veuille être plus savant dans mes affaires que moi-même, comme si je ne savois pas mieux que personne ce qui me regarde. Il est vrai, j’ai fait une grande perte, mais ce n’est pas celle-là ; et si vous voulez que je vous parle franchement, c’est de ne vous plus voir depuis quelques jours. Je ne sais à quoi l’attribuer, si ce n’est que je n’ai pas topé à tout ce que vous vouliez ; mais enfin, est-il honnête qu’on se rende sitôt ? et, parce que je suis de la cour, faut-il que vous me traitiez comme les autres femmes de la cour, qui sont bien aises de commencer une intrigue par la conclusion ? Je ne suis point de celles-là, et quand vous ne devriez point être de mes amis, je ne me repens point de ne leur point ressembler.

Bechameil étoit trop intelligent pour ne pas expliquer ce billet comme il faut ; et, en prenant le bon et laissant le mauvais, il s’arma d’une bourse où il y avoit quatre cents pistoles, parce que, comme le temps lui étoit cher, il ne le vouloit pas perdre en paroles inutiles. Il s’en fut à l’hôtel de La Ferté avec un bon secours, et, pour abréger toutes choses : « Madame, dit-il à la maréchale, je viens d’apprendre que vous perdîtes hier quatre cents pistoles sur votre parole, et comme les personnes de qualité n’ont pas toujours de l’argent, je vous les apporte, afin que vous ne soyez pas en peine où les chercher. » La maréchale entendit bien ce que cela vouloit dire, mais, trouvant que ce seroit se donner à trop bon marché à un petit bourgeois comme lui : « Je ne sais pas, Monsieur, lui répondit-elle, qui vous a pu dire cela ; mais il ne vous a dit que la moitié de mon malheur : j’en perdis huit cents, et si vous pouviez