Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/337

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le temps qu’il désiroit, il arriva où il vouloit aller par les formes. La dame, qui ne vouloit pas qu’il s’en allât mécontent, lui dit que les gens de son âge étoient admirables ; qu’il n’y avoit que de la brutalité dans la jeunesse, et qu’en vérité elle vouloit qu’il lui donnât, le plus souvent qu’il pourroit, une heure ou deux de son temps. Le bonhomme, qui aimoit le plaisir, pourvu qu’il ne fût pas nuisible à sa santé, croyant qu’elle lui demandoit un rendez-vous pour le lendemain, s’excusa sur quelques affaires qu’il avoit au Conseil, mais il lui envoya les quatre cents pistoles restantes, et pour remercîment desquelles elle jugea à propos de lui adresser la lettre suivante :

Lettre de la Maréchale de la Ferté a Bechameil.


Quoiqu’il y ait beaucoup de plaisir à voir les louis d’or au soleil[1] que vous m’avez envoyés, vous croirez ce que vous voudrez, mais ils me toucheroient encore davantage si je les avois reçus de votre main. Quoi qu’il en soit, mon déplaisir est qu’il faut que je m’en défasse et que je ne les puisse garder, pour vous montrer que je fais cas de tout ce qui vient de vous. J’en mourrois de douleur, si ce n’est que j’espère que je ne serai pas toujours malheureuse, et que, de votre côté, vous renouvellerez souvent ces mêmes marques d’amitié, qui me seront toujours fort chères. Vous

  1. Les louis, les écus au soleil, étoient des pièces de monnoie d’or marquées d’un soleil. On connoît le vers de Régnier :
    Je fis, dans un escu, reluire le soleil.

    Le manteau étoit une des parties obligées du costume. On le portoit en été, dit Furetière, par ornement, comme en hiver pour se garantir du froid et de la pluie. Les gens de robe, comme Bechameil, et les gens d’église, portoient le manteau long.