Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/338

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auriez tort d’en douter, puisqu’à l’âge que vous avez vous n’êtes pas à savoir qu’on fait toujours cas de ce qui vient de la personne aimée.

« Comment, morbleu ! s’écria Bechameil en recevant cette lettre, a-t-elle envie de me ruiner, et est-ce à cause que je suis vieux qu’elle veut que je la paye si grassement ? » Cette réflexion, joint à cela que ses nécessités n’étoient pas trop pressantes, firent durer les affaires qu’il avoit au Conseil trois jours plus qu’elles n’auroient fait sans cela. Mais ce temps-là étant expiré, il voulut aller voir si l’argent qu’il avoit donné ne lui vaudroit pas du moins une seconde visite. La première parole que lui dit la maréchale, en le voyant, fut celle-ci : « Ah ! monsieur, je suis née pour être toujours malheureuse, je perdis hier encore cinq cents pistoles ! » Par bonheur pour elle, elle étoit si belle ce jour-là que, quoique le compliment ne lui plût pas, il ne laissa pas de lui faire cette réponse : « Eh bien ! Madame, il ne s’en faut pas désespérer, et vous avez encore des amis qui ne vous abandonneront pas pour si peu de chose. » La maréchale, ne doutant point que cela ne voulût dire qu’il les lui alloit donner à l’heure même, ou du moins qu’il les lui enverroit une heure après, lui donna toutes les marques de reconnoissance dont elle se put aviser ; cependant, étant survenu compagnie, elle rompit les mesures qu’elle auroit pu prendre avec lui pour son payement, de sorte que, s’en étant allé avec les autres, pour quelques affaires qu’il avoit, ou peut-être de dessein prémédité, il oublia ce qu’il avoit promis. Il y