Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/347

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quelque chose, en fit grand bruit ; mais comme il avoit affaire à des gens de qualité, et que ses amis l’avertirent qu’il y alloit encore pour lui de la bastonnade s’il s’amusoit à faire les contes qu’il faisoit, il prit un autre parti, qui fut de faire imprimer des placards, et de les afficher aux portes de Paris, par lesquels il donnoit avis à tous ceux qui arrivoient en cette grande ville de se donner de garde de cette maison.

Pour faire connoître cette marquise de Royan à ceux qui pourroient peut-être n’en avoir jamais ouï parler, il faut savoir qu’elle est fille du feu duc de Noirmoutier, lequel, ayant mangé son bien, laissa sa famille dans une si grande pauvreté, qu’elle étoit sans doute digne de commisération. Cette fille, n’ayant donc rien pour être mariée, se voyoit réduite à entrer dans un couvent, ce qui n’étoit guère selon son inclination, quand le comte d’Olonne, qui étoit de même maison qu’elle, en devint amoureux. Il essaya pendant quelque temps de s’en faire aimer ; mais n’étant pas assez agréable pour y réussir, il s’avisa de lui proposer le mariage du chevalier de Royan son frère[1], si elle vouloit s’humaniser davantage. Or, ce chevalier étoit tout ce qu’il y avoit de plus horrible dans la nature, et pour le corps et pour l’esprit ; car, quoiqu’il ne fût ni bossu ni tortu, il avoit plutôt l’air d’un bœuf que d’un homme. D’ailleurs, il étoit tellement plongé dans toutes sortes de débauches, que les honnêtes gens ne le vouloient pas hanter. Mais quelque désagréable qu’il pût être, un couvent l’étant encore plus à cette fille, elle se résolut

  1. Voy. la note précédente.