Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/374

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cette nature ; et comme il appréhendoit sur toutes choses que cela ne vînt aux oreilles du Roi, non-seulement il prit soin de la fille, mais il empêcha encore sous main qu’on ne fît une perquisition exacte de ce qui étoit arrivé la nuit. Mais quelque précaution qu’il eût, la chose pensa éclater lorsqu’il y pensoit le moins. Un laquais de ces débauchés fut pris, deux ou trois mois après, pour vol ; et étant menacé par Deffita[1], lieutenant criminel, d’être appliqué à la question s’il ne révéloit tous les crimes qu’il pouvoit avoir commis, il avoua de bonne foi que pas un ne lui faisoit tant de peine que d’avoir aidé au chevalier Colbert à arracher le crucifix dont nous avons parlé ; qu’il en demandoit pardon à Dieu, et qu’il croyoit que c’étoit pour cela qu’il le punissoit. Mais il en arriva tout autrement, et ce fut au contraire la cause de son salut ; car Deffita, qui étoit homme à faire sa cour au préjudice de sa conscience, s’en fut trouver au même temps M. Colbert, et lui demanda ce qu’il vouloit qu’il fît du prisonnier, après lui avoir insinué toutefois, auparavant, qu’il étoit dangereux qu’il ne parlât si on le faisoit mourir. M. Colbert le remercia du soin qu’il avoit de sa famille, et, l’ayant prié de sauver ce misérable, il le rendit blanc comme neige, quoiqu’il méritât mille fois d’être roué.

  1. Le lieutenant criminel présidoit à tous les jugements criminels, et c’étoit à lui d’en faire l’instruction. Le lieutenant criminel Tardieu, si connu par les satires de Boileau, qui le désigne sans le nommer, étoit prédécesseur de M. Deffita. — M. Deffita, dès son entrée en charge, se montra d’une rigueur inouïe ; sa justice étoit toujours fort sommaire. Voy. Guy Patin, Lettres, passim.