Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/378

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faire du mal ; et qu’en un mot ce n’étoit pas pour ces sortes de gens-là qu’une dignité si considérable étoit réservée.

Le duc de Roquelaure vit bien qu’il étoit pris pour dupe ; mais la faveur où étoit le chancelier et toute sa famille l’obligeant à dissimuler, il fit même semblant de croire tout ce qu’il lui dit encore d’honnête sur ce sujet, et songea à pourvoir son fils d’un autre côté. Le marquis de Biran, qui ne faisoit guère de différence entre le mariage et l’esclavage, fut ravi de se voir délivré d’un fardeau si pesant, et ayant assemblé ses amis pour leur faire part de sa joie, ils firent une débauche où rien ne manqua que les femmes. Ils s’en étoient bien passés plusieurs fois, ce qui devoit faire croire qu’ils s’en passeroient bien encore celle-là ; mais l’inconstance de la nation leur ayant fait faire réflexion qu’on n’étoit jamais heureux si on ne goûtoit de toutes choses, ils se dirent, entre la poire et le fromage, qu’il falloit qu’ils devinssent amoureux, ou du moins qu’ils feignissent de l’être. Le marquis de Biran dit que, pour lui, il vouloit aimer madame d’Aumont[1], pour se venger de son mari, et que, n’ayant pu coucher avec sa fille, il coucheroit peut-être avec elle. Les autres se choisirent des maîtresses à leur gré ; mais le chevalier de Tilladet et le comte de Roussi[2] dirent au marquis de Biran qu’étant autant de ses amis qu’ils en étoient,

  1. La seconde femme du duc d’Aumont, qu’il épousa le 28 novembre 1669, étoit Françoise-Angélique de la Mothe, fille du maréchal de la Mothe-Houdancourt et de Louise de Prie, gouvernante des enfants de France.
  2. François de Roye de la Rochefoucauld, deuxième du