Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/381

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longtemps de ses leçons, et, quoiqu’elles aient mille défauts dans la taille, comme elles ont beaucoup d’agrément dans le visage, elles ont trouvé bientôt des gens qui ont cherché à les corrompre. En effet, on peut dire qu’elles sont bossues, et, quoique cela ne paroisse pas aux yeux de tout le monde, il est pourtant vrai que, sans un corps de fer[1] à quoi elles sont accoutumées dès leur jeunesse, il n’y auroit personne qui ne s’en aperçût. La duchesse d’Aumont, qui est l’aînée, est sans doute la plus belle, et, quoiqu’elle ne soit pas d’une taille si avantageuse que ses sœurs, elle ne parut pas plus tôt à la cour que mille gens se firent une affaire agréable de lui en conter. Mais la maréchale sa mère, qui ne songeoit qu’à lui donner un mari, écarta si bien cette foule qui l’importunoit, que même ceux à qui l’envie auroit pu prendre de l’épouser se retirèrent comme les autres. Cela ne plut pas à la duchesse d’Aumont, qu’on appeloit en ce temps-là mademoiselle de Toussi, et, comme elle commençoit à se sentir, elle eut des besoins qui lui firent juger que, si sa mère tardoit encore longtemps à lui chercher un mari, elle pourroit bien en prendre un elle-même.

Elle n’osa pas cependant lui dire ses nécessités, la connoissant trop sévère ; mais, comme elle ne pouvoit résister à la tentation, elle devint amoureuse du chevalier d’Hervieux[2], écuyer de sa mère, homme d’environ quarante ans, laid de visage, assez bien fait de taille, mais à qui

  1. Un corset de fer.
  2. Guy Patin, dans une lettre du 8 mars 1670, parle d’un jeune homme de ce nom, qu’il soignoit.