Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/410

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Elle affectoit même de ne pas regarder de ce côté-là, et d’être fort attachée à la conversation, pour se venger de Caderousse, qui, en effet, s’en désespéroit. Enfin, le jeu étant fini, chacun prit de son côté, et Caderousse s’étant offert à ramener les dames, elles le prirent au mot, si bien que la marquise de Rambures, qui ne s’en étoit pas encore allée de peur que ces deux amants ne se parlassent, n’ayant plus rien qui l’arrêtât, monta promptement en carrosse, et ne fut pas plus tôt arrivée chez elle qu’elle ouvrit sa lettre. Elle étoit conçue en ces termes :

Lettre de la Duchesse d’Aumont au Duc de Caderousse.


Je ne croyois pas être si dégoûtante qu’on se dût rebuter de moi dès la première fois ; mais je sais ce que j’en dois croire après votre procédé, et me fuir comme vous me fuyez est assez m’en dire pour me repentir toute ma vie d’avoir été folle, et pour me rendre sage à l’avenir. Dans le dépit où je suis, je croirois que je ne vous aime plus, si je n’avois un peu trop de penchant à la vengeance. Je n’ai jamais tant souhaité d’être aimable que je le fais maintenant, pour vous donner un peu de jalousie. Mais, hélas ! que je suis simple ! on n’est jaloux que de ce qu’on aime, et, si je ne m’abuse, vous me verriez entre les bras de toute la terre sans en avoir aucun chagrin.

Cette lettre parloit trop bon françois pour laisser aucun lieu de douter de la vérité. Ainsi, la marquise de Rambures, voyant tout ce qui en