Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/411

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étoit, conçut fort peu d’espérance de son dessein, ayant à brouiller des gens qui étoient si bien ensemble ; néanmoins, comme elle étoit malicieuse jusqu’à être méchante, elle résolut d’y faire tout de son mieux, quand même elle n’en devroit pas profiter. Pour cet effet, elle fit écrire une lettre comme si c’eût été Caderousse, et, ayant travesti un de ses laquais, qu’elle employoit dans ses affaires les plus secrètes, elle l’envoya à l’hôtel d’Aumont, avec ordre de rendre cette lettre en main propre à la duchesse. Le laquais s’acquitta fort bien de sa commission, et la duchesse, qui n’avoit jamais vu de l’écriture de Caderousse, s’étant méprise aisément au caractère, elle y lut ces paroles, qui l’accablèrent de désespoir :

Lettre du Duc de Caderousse à la Duchesse d’Aumont.


Je vous ai aimée parce que j’ai eu de l’estime pour vous ; mais je ne vous aime plus maintenant parce que je cesse de vous estimer. Cela ne vous doit pas surprendre dans le procédé que vous tenez aujourd’hui. Tout vous est bon, jusqu’à votre cousin Fervaques, et il vous importe peu que vous trouviez de l’esprit, pourvu que vous trouviez un corps qui vous rende service. Prenez garde néanmoins à vous méprendre, quoique ce soit parler contre moi que de vous parler contre les gens de grande taille : la sienne ne promet pas qu’il puisse durer longtemps ; d’ailleurs, c’est avoir trop d’affaires que d’être obligé de contenter en même temps la comtesse d’Olonne et une femme de votre appétit.