Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/421

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Tels étoient les sentiments de l’un et de l’autre, lorsque la maladie de la duchesse de Caderousse, empirant tout d’un coup, fit songer sérieusement à son mari qu’il en seroit délivré avant deux jours. En effet, elle rendit l’esprit vingt-quatre heures après[1], entre ses bras, le priant, s’il l’avoit jamais aimée, d’avoir soin de leurs enfants[2], et de ne se jamais remarier. Il le lui promit, résolu de lui tenir parole, et il fut même bien aise qu’elle eût exigé cela de lui, prévoyant que la marquise de Rambures, se fondant sur son bien plutôt que sur son mérite, pourroit le solliciter de l’épouser.

D’abord que le grand deuil fut passé, ou, pour mieux dire, qu’il se fut écoulé quelques jours, pendant lesquels c’est la coutume de contrefaire l’affligé d’une chose dont on a souvent beaucoup de joie, il parut dans le monde comme auparavant, et tâcha d’avoir quelque conversation avec la duchesse d’Aumont, pour savoir d’où venoit sa colère. Mais elle eut encore plus de soin de le fuir qu’il n’en eut de la chercher, tellement que ses peines furent inutiles. Il retourna aussi chez madame de Rambures, qui le reçut plus froidement qu’à l’ordinaire ; de quoi il ne s’étonna pas grandement, parce qu’il la savoit bizarre et fantasque. Il alla donc toujours son chemin, c’est-à-dire que, se sentant plus homme

  1. Sur la première femme du duc de Caderousse, voy. ci-dessus, p. 371.
  2. De son premier mariage le duc de Caderousse eut un seul fils, Jacques-Louis d’Ancezune de Cadart de Tournon, duc de Caderousse, qui épousa, avant 1700, Madeleine, fille du marquis d’Oraison.