Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/425

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Un jour donc que Caderousse étoit venu de meilleure heure que les autres, comme la saison n’étoit plus de parler d’amour, elle lui parla de jouer, et, en étant tombé d’accord, elle se mit à tailler tête à tête. D’abord elle gagna quelque chose ; mais, la fortune changeant tout à coup, il lui fit un nombre infini d’Alpiou et de Va-tout, tellement qu’en moins de rien il lui gagna non-seulement tout l’argent comptant qu’elle avoit, mais encore trois mille pistoles sur sa parole. Une si grosse perte lui ôta le mot pour rire, qu’elle avoit au commencement du jeu ; et, entendant

    nouveaux noms les poursuites vinrent encore chercher les joueurs.

    En 1679, le Journal des Savants produisit une théorie de probabilité pour le jeu de la bassette : on y voit clairement combien de chances étoient réservées à la friponnerie.

    Disons maintenant comment se jouoit le jeu de la bassette : nous expliquerons ainsi différents mots qu’on lira plus loin. « Celui qui taille, lit-on dans le Dictionnaire de Trévoux, se nomme banquier ou tailleur. Il a en main cinquante-deux cartes ; ceux qui jouent contre lui ont chacun treize cartes d’une couleur : on les appelle le livre. Après que le tailleur a battu ses cartes, les joueurs découvrent devant eux telles cartes de leur livre qu’ils veulent, sur lesquelles ils couchent de l’argent à discrétion ; ensuite le tailleur tourne son jeu de cartes, en sorte qu’il voit la première qui étoit dessous. Après cela, il tire ses cartes deux à deux jusqu’à la fin du jeu : la première de chaque couple ou main est toujours pour lui, et la seconde ordinairement pour le joueur ; de sorte que, si la première est, par exemple, un roi, le banquier gagne tout ce qui a été couché sur les rois ; mais si la seconde est un roi, le banquier donne aux joueurs autant qu’ils ont couché sur les rois. »

    L’alpiou (de l’italien al più) étoit, dit M. Fr. Michel, dans son Dict. d’argot, la marque que l’on faisoit à sa carte pour indiquer qu’on doubloit son jeu après avoir gagné.

    On connoît le petit livret publié à cette époque sous le titre de : Les désordres de la bassette.