Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

venir du monde, elle n’eut le temps que de dire à Caderousse qu’elle le paieroit le lendemain, et qu’elle le prioit seulement de n’en point parler.

La compagnie étant entrée, et tous les joueurs étant venus les uns après les autres, on demanda des cartes ; mais la marquise, qui n’avoit plus d’argent, s’excusa de jouer sur un grand mal de tête. Le chevalier Cabre[1], petit homme de Marseille, qu’on avoit vu arriver à Paris sans chausses et sans souliers, mais qui par son savoir-faire étoit alors plus opulent que les autres, s’offrit de tailler à sa place. Chacun le prit au mot, et, ayant choisi des croupiers, l’après-dînée se passa dans l’exercice ordinaire.

Comme Caderousse sortoit, la marquise l’arrêta et lui dit qu’il trouveroit le lendemain son argent prêt, mais qu’il vînt de bonne heure, parce qu’elle vouloit avoir sa revanche. Il lui répondit que la chose ne pressoit pas, et qu’elle ne devoit pas s’incommoder ; mais elle lui fit promettre qu’il viendroit à deux heures, et, pour lui tenir parole, elle sortit dès huit heures du matin et fut mettre des pierreries et de la vaisselle d’argent en gage chez Alvarès[2], fameux joaillier,

  1. Le chevalier Louis de Cabre, qui fut chambellan du duc d’Orléans, régent, étoit fils de Louis de Cabre et de Marie d’Antoine. Il mourut sans alliance. Il appartenoit à une famille consulaire de Marseille dont les différentes branches furent maintenues dans leur noblesse par les commissaires vérificateurs en 1667.
  2. On lit dans le Livre commode des adresses, par le sieur de Pradel, astrologue lyonnois, 1691, in-8, p. 26 : « Les garnitures de perles et de pierres fines sont commercées par les sieurs Alvarez et Maçon, rue Thibault-aux-Dez. »