Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/427

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pour quatre mille pistoles. Caderousse ne manqua pas au rendez-vous, et fut payé d’abord ; après quoi elle se fit apporter des cartes, et mit les mille pistoles qui lui restoient dans la banque. Elles ne lui durèrent pas longtemps : la fortune ayant continué de favoriser Caderousse, il les lui gagna en deux ou trois tailles ; et, lui demandant à jouer sur sa parole, elle perdit encore vingt mille écus.

Ce fut alors qu’elle commença à faire réflexion sur sa folie, et, les cartes lui tombant des mains, elle s’assit, se mit à pleurer, et enfin à faire toutes les grimaces qu’une femme extrêmement affligée est capable de faire. Caderousse la regardoit de tous ses yeux, pour voir à quoi cela aboutiroit, car, enfin, il prétendoit n’avoir pas joué pour rien ; aussi, après avoir serré l’argent qu’il avoit déjà touché : « Au moins, Madame, lui dit-il, il vous souviendra, s’il vous plaît, que vous me devez vingt mille écus. — Je le sais bien, Monsieur, lui répondit-elle, mais je ne suis pas en état de vous les payer de sitôt. L’argent que vous emportez vient de ma vaisselle d’argent et de mes pierreries ; et, à moins que nous ne nous accommodions, je ne sais que devenir. Quoi ! Madame, lui repartit Caderousse, est-ce que vous prétendez quelque diminution ? — Ce n’est pas ce à quoi je pense, répliqua la marquise : entre gens comme nous, cela n’est guère en usage ; mais, si vous vouliez écouter une proposition, j’ai ma fille aînée[1], qui sera un

  1. La fille aînée de madame de Rambures, Marie-Renée de Rambures, sœur du marquis de Rambures qui fut tué en 1679, en Alsace, par accident, étoit alors un parti considérable ;