Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/432

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mais que ce qui les avoit fait éclater, c’est qu’il étoit en compagnie de gens qui faisoient trophée de leurs débauches ; que, s’ils l’eussent voulu croire, elles n’auroient pas passé les murailles où elles avoient été faites ; mais que, pour son malheur, ils ne s’étoient pas trouvés de son sentiment ; qu’il vouloit dorénavant se séparer d’eux, et mener une vie plus conforme à son inclination ; qu’il lui avouoit que son penchant étoit pour les dames, et même pour la pluralité ; mais qu’il ne vouloit plus avoir d’attache que pour une seule personne, c’est pourquoi il la choisiroit telle qu’elle en vaudroit la peine.

Biran crut en avoir assez dit de ce premier coup, et, la retournant voir fort souvent, il l’accoutuma peu à peu à la laideur de son visage : car, pour être fils d’une femme qui avoit passé en son temps pour une fort belle personne[1], et d’un père qui avoit eu bonne mine, il avoit un nez si épouvantable, qu’un chien de Boulogne[2] qui en auroit un pareil seroit regardé avec admiration.

  1. La mère du marquis de Biran étoit Charlotte-Marie de Daillon, fille de Timoléon de Daillon, comte du Lude. Elle mourut à vingt et un ans, le 15 décembre 1657. (Voy. ci-dessus, t. 2, p. 425.)
  2. Les chiens de Boulogne, comme les chiens d’Artois, les bichons, les barbets, les chiens de Barbarie, étoient des chiens de chambre ou de manchon. Le chien de Boulogne venoit d’Italie, de Bologne, que l’on prononçoit Boulogne, comme Tolose se prononçoit Toulouse ; Rome, Roume ; homme, houme, etc. A Bologne, dit-on, on les empêchoit de croître en les frottant, pendant les jours qui suivoient leur naissance, à toutes les jointures du corps, avec de l’esprit de vin. La vogue des chiens de Bologne avoit succédé à la mode des doguins, qui avoient, de même, le nez camus.