Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/433

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quoi qu’il en soit, son esprit suppléa bientôt à ce défaut[1]. La duchesse, qui se faisoit un plaisir merveilleux de ses saillies, oublia dans un moment sa dévotion, et, quoiqu’elle se fût fait un grand mérite auprès de son mari de courre souvent les églises, elle n’eut plus de soin de lui donner ce contentement. Comme Biran étoit homme à découvrir bientôt les sentiments d’une femme, il s’aperçut dans un moment de ce qui se passoit dans son cœur, et, ne voulant pas être longtemps sans voir ce qu’il avoit à espérer de ses services, il lui écrivit cette lettre :

Lettre du Marquis de Biran à la Duchesse d’Aumont.


Il vous doit être bien glorieux d’avoir réduit un débauché à la raison. Je n’avois jamais aimé que je n’en eusse fait une déclaration à la même heure : l’on avoit beau me dire que cela marquoit peu d’amitié, je ne suivois que mon penchant, et je le suivrois peut-être encore, si je n’étois tombé entre vos mains. Cependant, quelque considération qu’on ait pour les gens, on n’est point obligé à un silence perpétuel. Il y a un mois que je vous vois sans vous l’avoir osé dire : et vous devez être si contente de ce triomphe, que vous n’en devez pas exiger un plus grand.

La duchesse d’Aumont, malgré toute sa dévotion, avoit bien reconnu que Biran n’étoit pas insensible. Pour faire la prude, elle s’étoit demandé

  1. C’est ce marquis de Biran, devenu duc de Roquelaure, qui est le héros du Momus françois, recueil de contes et de mots d’un goût plus ou moins équivoque, publié en 1718, in-12.