Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/468

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visage rouge comme un chérubin : « Vous me jugez donc bien indigne, Madame, lui dit-il, de votre amitié, puisque vous ne daignez pas seulement m’apprendre quelque chose de ma destinée ? — Moi, je ne sais que vous répondre, lui dit la duchesse ; cependant, vous devriez bien vous dire vous même que qui se plaît à écrire des choses qui ne sont point, mérite bien qu’on ne lui fasse point de réponse. »

L’archevêque, qui s’étoit attendu à un traitement plus rigoureux, fut ravi qu’elle ne le payât que d’incrédulité. En effet, il sentoit des choses qui lui permettoient de croire qu’il ne seroit pas longtemps sans la convaincre. Ainsi, tout rempli d’espérance : « Madame, lui dit-il, je ne sais à quoi servent toutes ces façons entre gens comme nous, qui ne manquent pas d’expérience. Pourquoi vous dirois-je que je vous aime, si je ne vous aimois pas ? Dois-je souhaiter de perdre mon temps dans le siècle où nous sommes, où on peut si bien l’employer, et ne le devrois-je pas compter pour perdu si je recherchois des faveurs où je me trouverois peu sensible ? Je vous aime, premièrement, parce que vous êtes tout aimable ; mais j’ajouterai à cela que vous êtes belle sans être coquette, ce qui me plaît encore plus que tout le reste. Je vous dirai aussi que c’est parce que vous êtes vertueuse, et que toutes les autres ne le sont pas ; mais prenez garde de ne pas interpréter ce mot au pied de la lettre : la vertu ne consiste pas à être farouche, mais à savoir goûter les plaisirs sans que les apparences nous découvrent. Pour vous, vous pouvez avoir cette qualité au suprême degré