Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/469

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quand il vous plaira, et l’on vous verroit faire toutes choses, qu’on n’en auroit pas seulement le moindre soupçon. »

La duchesse pensa se fâcher, lui entendant dire que les apparences étoient belles en elle ; elle crut que c’étoit l’accuser tacitement de galanterie, et, comme le soupçon règne toujours parmi le crime, elle le pria, mais d’un ton qui marquoit quelque ressentiment, de vouloir s’expliquer mieux. Il lui accorda volontiers sa demande, et lui dit qu’il ne doutoit point qu’elle n’eût été vertueuse, mais qu’il seroit fort fâché qu’elle la fût toujours ; qu’il n’étoit pas homme à aimer sans espérance, et que, comme un feu s’éteint faute de matière, de même un homme se retiroit bientôt d’auprès d’une femme quand il voyoit qu’il n’y avoit rien à faire.

Il lui expliqua ainsi les mystères amoureux, en quoi il avoit meilleure grâce que dans la chaire ; aussi y étoit-il entré plusieurs fois sans sentir ce qu’il disoit, au lieu qu’alors il étoit si ému qu’il ne l’avoit jamais été davantage. Aussi voulut-il voir tout d’un coup ce qu’il avoit à espérer : c’est pourquoi il se mit à vouloir caresser la dame, qui se défendit quelque temps ; mais, feignant de ne pouvoir résister à un homme de sa force, elle se laissa enfin coucher sur un lit, où la trop grande ardeur de l’archevêque fut cause qu’elle ne prit point de part au plaisir qu’il avoit goûté. Comme il étoit homme à retourner toutes choses à son avantage, il lui dit que, pour avoir quarante ans passés, c’étoit encore être assez prêt à rendre service aux dames ; que devant qu’il fût un moment il n’y auroit rien de