Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/493

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de tout, comme nous croyons déjà l’avoir dit, lui disant d’un ton de juge qu’il n’en falloit point appeler, il en convint, pourvu qu’on lui donnât soixante pistoles. Ainsi un homme qui avoit deux cent mille livres de rente en fonds de terre faisoit des bassesses inconcevables pour si peu de chose.

Il est aisé de juger qu’une conduite si misérable n’étoit guère agréable pour la duchesse sa femme, laquelle, étant déjà de méchante humeur pour la perte de son amant, ne se pouvoit consoler de sa destinée. Cependant il lui fut force de prendre patience. Le petit homme n’étoit pas d’humeur à prendre un autre train de vie, et en effet, quinze jours après ou environ, il lui arriva encore une autre affaire, non pas si vilaine à la vérité, mais qui étoit toujours fort honteuse pour un duc et pair. Etant entré dans un honnête lieu, au faubourg Saint-Germain, dans la rue des Boucheries, il vint des sergents qui saisirent son carrosse[1] à la requête d’un marchand qu’il ne vouloit point payer. Il descendit aussitôt pour en tuer quelqu’un ; mais, les sergents étant déjà bien loin avec le carrosse, il entra dans la boutique d’un chirurgien qui étoit devant, où on lui avoit dit qu’un de ces sergents s’étoit sauvé. Il le demanda au maître de la maison, qui, ne voulant point qu’il arrivât de meurtre chez lui, lui dit qu’il n’y avoit personne, de quoi il se mit si fort en colère qu’il cassa toutes les vitres de la boutique ; puis, étant monté en haut, il donna vingt coups d’épée

  1. Voy. ci-dessus, p. 440, note 356.