Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/502

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la survivance[1], il toucha, de la frange qu’il avoit à des gants, le visage de ce prince[2] ; et Sa Majesté, perdant le sang-froid qui est si admirable en lui, qu’on ne l’a jamais vu se mettre en colère, lui dit d’un ton furieux qu’il devoit prendre garde un peu mieux à ce qu’il faisoit ; qu’il sembloit, quand il étoit auprès de lui, qu’il fît toutes choses par nonchalance ; qu’il apprît que c’étoit le plus grand honneur qui lui pût arriver, et que sans la considération de son père et de son

  1. De tous les grands officiers de la maison du Roi, le grand chambellan est celui qui approchoit le plus de S. M. — Dans les lits de justice, le grand chambellan avoit sa place aux pieds du Roi, sur un carreau de velours violet, semé de fleurs de lys d’or ; aux audiences des ambassadeurs, il avoit sa place derrière le fauteuil du Roi, entre le premier gentilhomme de la chambre et le maître de la garde-robe ; le jour du sacre, il recevoit des mains de l’abbé de Saint-Denis les bottines du Roi et les lui chaussoit ; il lui vêtoit la dalmatique bleue et le manteau royal. « Quand le roy s’habille, il luy donne sa chemise, et ne cède cet honneur qu’aux enfants de France et au premier prince du sang. Lorsque le Roy déjeune ou qu’il mange dans sa chambre, c’est à luy ou aux premiers gentilshommes de la chambre à qui il appartient de le servir et luy donner la serviette. Le garçon de la chambre ou le porte-chaise porte aussi au sermon un siége de la chambre du Roi pour le grand chambellan. » (État de la France.)
  2. Ce fait, rapporté par Dangeau, est confirmé par Saint-Simon. — Dangeau : « Jeudi 30 nov. 1684… Après le petit coucher, le Roi appela M. de Turenne et lui fit une forte réprimande sur ce qu’il le servoit peu respectueusement. » — Saint-Simon : « M. de Turenne, fils aîné de M. de Bouillon et grand chambellan en survivance, profita mal de cette correction et se fit enfin exiler. Un matin, en donnant la chemise au Roi, il ne se donna pas la peine d’ôter des gants à frange, de laquelle il donna par le nez au Roi fort rudement, qui le trouva aussi mauvais qu’il est possible de le croire. » — Journal de Dangeau, t. I, p. 75.