Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/504

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les ayant fait masquer, ils s’en furent courre le bal[1], où ils firent mille désordres. Tout cela fut rapporté au Roi, qui avoit dans Paris des gens exprès pour l’avertir de tout ce qui se passoit ; et il est aisé de juger combien cela augmenta l’estime qu’il avoit pour eux. Néanmoins, comme il aimoit M. le Grand[2], il lui dit qu’il veillât un peu mieux à la conduite de son fils ; qu’il seroit fâché, pour l’amour de lui, qu’il continuât dans ses débauches. Mais, quoi que pût faire M. le Grand, c’étoit vouloir s’opposer au cours de la rivière, que de prétendre le retenir[3].

Les dames étoient alors bien inutiles : non-seulement nos trois sœurs voyoient leurs intrigues décousues, mais les autres n’étoient pas plus heureuses qu’elles, toute cette jeunesse naissante faisant gloire de les mépriser. Cependant il lui arriva un petit désordre : étant allé dans un honnête lieu, il y vint des mousquetaires qui lui firent quitter la partie ; et, comme elle n’avoit que de petits couteaux à son côté, il fallut filer doux. Le lendemain chacun prit une grande épée, et le Roi fut tout étonné de voir un si grand changement. Il en demanda la raison, et il ne la sut que trop tôt pour sa satisfaction. Ils retournèrent le lendemain dans le même

  1. On voit à chaque instant de ces sortes de parties de plaisir improvisées. Tantôt des jeunes gens apprennent qu’un bal se donne quelque part, et ils entrent en passant, sans frais de toilette ; tantôt, surtout en temps de carnaval, on se masque, on se déguise, et l’on va, par bandes, sans y être invités, dans toutes les maisons où l’on sait qu’il y a bal.
  2. M. le Grand, c’est le grand écuyer ; on disoit de même M. le Premier pour le premier écuyer de la petite écurie.
  3. Ici, dans certaines éditions, est intercalé un long passage que nous avons donné nous-même, d’après les textes les plus anciens, dans notre second volume, p. 421-454.