Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/507

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propos. L’exemple de Monseigneur fit des merveilles pour elles. Chacun crut qu’elles alloient devenir à la mode, et on s’empressa de leur témoigner de la passion. Elles n’eurent garde de faire les cruelles : car, comme elles avoient été quelque temps à louer, elles voulurent profiter du bon temps. Cependant Monseigneur s’étant mis en rut par ce que je viens de dire, il regarda des mêmes yeux qu’il venoit de faire la femme de chambre une des filles d’honneur de madame la Dauphine, qui étoit sœur de la duchesse de Caderousse[1]. Ce n’étoit pas pourtant une de ces beautés qui engagent malgré que l’on en ait, au contraire elle étoit plus laide que belle ; mais, la facilité qu’il avoit à la voir tous les jours l’enflammant tout de même que si c’eût été le plus bel objet du monde, il ne la trouva point qu’il ne lui dît quelques douceurs en passant. Il s’y seroit arrêté bien davantage, sans la crainte qu’il eut que cela ne vînt aux oreilles du Roi. C’est pourquoi,

  1. Entre les divers passages de Dangeau, commenté par Saint-Simon, que nous venons de citer, celui-ci nous a paru d’un intérêt particulier pour le pamphlet que nous annotons : « Monseigneur étoit amoureux de madame de Polignac, et cela avoit hâté son mariage. Elle étoit mademoiselle de Rambures, fille de madame la Dauphine, robine plaisante, bien de l’esprit et point du tout bonne. Cela dura toujours avec Monseigneur, jusqu’à ce qu’il découvrît que le marquis de Créqui, qui étoit dans cette intrigue, étoit pour le moins aussi bien traité que lui ; c’est ce qui fit l’éclat. Ils furent chassés, et madame de Polignac n’est pas revenue à la Cour depuis, seulement à la fin de sa vie, des moments, se montrer une fois ou deux l’année. Elle n’en fut pas moins galante, sans que son mari le trouvât mauvais. Elle joua tant qu’elle se ruina, et s’en alla en Auvergne, où elle mourut assez étrangement, ce dit-on, et fort lasse de vivre. » (Comment. de Saint-Simon sur le Journal de Dangeau. T. I, p. 428.)