Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/79

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netteté et qui soit plus connue dans nos jours que celle que nous décrivons.

Personne n’ignore[1] dans notre France que

    Pour savoir de l’amour les tours et les souplesses,
    Les raffinements, les tendresses,
    Il en a senti tous les coups.
    Il a fait dans cet art un long apprentissage,
    Pour être plus savant, plus discret et plus sage,
    En un mot, plus digne de vous.
    Il veut, à présent qu’il est maître,
    Aimer le seul objet qui mérite de l’être.
    Iris, ne le refusez pas :
    Vous pouvez l’accepter sans honte,
    Puisqu’en amour il n’a point fait de pas
    Que vous ne puissiez bien mettre sur votre compte.

    Mais avant que de venir à l’histoire de leurs amours, il faut prendre les choses dans leur source et parler premièrement de la naissance de madame de Maintenon, de son éducation et de ses premières aventures, qui l’ont conduite, comme par degrés, à ce rang éminent qu’elle tient aujourd’hui à la Cour de France.

  1. Var. III : Madame de Maintenon s’appelle Françoise d’Aubigné ; elle est demoiselle, et M. d’Aubigné, son grand-père, étoit homme de mérite et de considération. Il étoit de la religion protestante, et son corps est enterré dans l’église de Saint-Pierre à Genève. Le père de notre héroïne étoit fils de cet illustre d’Aubigné. Dans sa jeunesse il eut le malheur de tomber entre les mains de la justice, et il en auroit éprouvé les rigueurs si la fille du concierge, touchée de son mérite et de son malheur, ne se fût déterminée à lui procurer la liberté. Cette fille étoit fort aimable et fort généreuse. M. d’Aubigné, qui connoissoit son bon cœur et le besoin qu’il avoit de la ménager, prenoit grand soin de lui plaire ; et quand il crut pouvoir compter sur sa tendresse, il lui offrit une vie qu’il ne pouvoit conserver que par son moyen, et lui jura que c’étoit l’espérance de la passer avec elle qui la lui faisoit souhaiter. La belle, attendrie par un discours si obligeant, s’assura par des serments de la parole qu’il venoit de lui donner, et lui promit de le faire sortir de prison, d’en sortir avec lui et de le suivre partout, pourvu qu’à la première occasion il l’épousât en bonne forme. Etant