Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/87

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marraine de la Maintenon, l’en empêchoit ; mais, dès qu’elle fut morte, il chercha tous les moyens du monde pour l’accoster ; il ne se chantoit point de grand’messe qu’il n’y fût, point d’assemblée dans le village qu’il n’y eût part. Et s’il arrivoit une foire de conséquence, il n’y avoit aucune sorte de rubans qu’il n’achetât pour lui en faire présent, pour par là tâcher de gagner ses bonnes grâces. Mais il n’avançoit pas beaucoup dans ce langage muet, et on peut dire que toutes ses assiduités eussent été de nul effet s’il n’eût trouvé l’occasion de l’aborder un jour qu’elle puisoit de l’eau. « Voulez-vous que je vous aide ? dit-il.—Hélas ! reprit-elle, vous m’obligerez. » Il se mit en devoir, et par excès de civilité il porta ses cruches jusqu’à sa chambre, où, se trouvant seul avec elle, il lui dit : « N’est-il pas vrai que vous avez bien du chagrin de la mort de votre marraine ? C’étoit une bonne femme, qui avoit bien du soin de vous, et qui n’auroit pas manqué à vous donner quelque petite chose pour avoir un bon laboureur du village ; mais, poursuivit-il encore, quoiqu’elle ne vous ait rien laissé, j’ai assez d’amitié pour vous donner la moitié de ce que j’ai si vous voulez être ma femme ; vous serez maîtresse avec moi, et rien ne vous manquera.—Donnez-moi, répondit-elle, un peu de temps pour y songer, et demain, auprès de notre grange, je vous rendrai réponse. » Notre Esope amoureux fut fort satisfait de cette visite, et après avoir folâtré quelque